La parole des sans-voix : rencontre avec Svetlana Alexievitch

Le Théâtre des idées

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Archive 2004

Présentation

“Chacun d'entre nous, j'en suis convaincue, possède son propre texte. Chez certains, il y en a assez pour un livre. Chez d'autres, quelques pages ou une ligne seulement. Mais la connaissance historique est contenue en chacun d'entre nous. Obtenir, entendre, extraire du néant ces quelques pages ou quelques lignes – qui parfois dépassent Dostoïevski – est à la fois un travail artistique et un travail de mineur de fond. Mes livres parlent de ceux qui n'écriront jamais eux-mêmes et je les définirais comme de la prose qui prend la forme de la vie elle-même. Ces livres de voix se trouvent dans la rue... Par centaines... Mais comment les entendre ? En secouant le chaos...”. Depuis près de vingt ans, l'écrivain Svetlana Alexievtch secoue le chaos, des êtres et du monde, avec cette façon “d'aller où il ne faut pas aller” – Tchernobyl, notamment –, d'écrire le livre des sans voix, des sans grade, des naufragés de la modernité. Avec ses récits documentaires érigés au rang d'œuvre littéraire, un art de l'écoute des détails du quotidien et des nuances de “l'espace du souvenir”, sa manière de s'effacer derrière les témoignages, Svetlana Alexievitch poursuit le projet de constituer l'archive subjective et souterraine de la Russie contemporaine. Seconde guerre mondiale, stalinisme, dégel khrouchtchévien, perestroïka gorbatchévienne, guerre en Afghanistan, art de souffrir et d'aimer en Russie... Ancrée dans une histoire singulière, la prose de cet écrivain hors du commun puise dans la “tirelire des souffrances des petits” de la grande Russie, mais accède à l'universel et à l'éternel humain. C'est peut-être pour cela que ses ouvrages – La Supplication ou Les Cercueils de zinc, entre autres – sont si souvent adaptés et mis en scène au théâtre. Autour de la publication en France de son premier ouvrage, La guerre n'a pas visage de femme, matrice de son œuvre, Svetlana Alexievitch évoquera notamment cette guerre des femmes “que nous ne connaissons pas”, écrira une nouvelle page de l'histoire des sans voix.

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