Platonov

de Anton Tchekhov

  • Théâtre
  • Spectacle
Archive 2002

Éric Lacascade

France

Présentation

Lorsqu'il écrit Platonov, Tchekhov n'a que vingt-deux ans. Cinq ans plus tard, il revient sur les traces de ce premier héros, le ressuscite sous le nom d'Ivanov et lui invente un autre destin. La première fois qu'Éric Lacascade a mis en scène un texte de l'auteur russe, il a précisément choisi Ivanov. C'est aujourd'hui seulement, bien des années plus tard, après être passé par la Mouette et les Trois Sœurs, après avoir laissé le temps et la maturité faire leur œuvre, qu'il se consacre à Platonov. Un rendez-vous différé mais inévitable, une rencontre mue par la nécessité. Lacascade, dont les choix procèdent du désir et de l'intuition, a grandi et mûri au rythme des héros tchekhoviens. Accompagné de ses comédiens, sa troupe, sa famille, il a apprivoisé pièce après pièce, leurs pensées, a écouté leurs tourments, éprouvé leurs blessures, suivi attentivement leurs trajectoires. Il n'a cessé de les regarder ; les a vu aimer, souffrir et vieillir. Il les connaît intimement car il sait d'où ils viennent et où ils sont allés. Il est devenu leur intime, presque leur frère. Une connivence qui lui donne l'assurance et la sérénité de celui qui, à force de dialogues et d'échanges, a compris à qui il avait affaire. Il y a comme une évidence à refaire le chemin à l'envers pour retourner aux origines des personnages et renouer avec la genèse des pièces. Une cohérence et une justesse indéniable dans cette plongée vers le passé, cette mise à nu des racines. Platonov est un drame de jeunesse. Désordonné et embrouillé, il est strié de sentiments extrêmes, traversé d'actes radicaux, pétri de contradictions et d'incohérences. Autant d'indices et de stigmates d'une adolescence qui se cherche à coups de pensées absolues et de gestes excessifs, proscrivant la nuance et toute forme de raison. Platonov, l'homme qui donne son nom à la pièce, a la vie toute entière qui se profile devant lui. Il s'y élance avec la fougue de quelqu'un qui ne veut rien se refuser. Il est boulimique, insatiable, amoureux, généreux. Il est détestable, égoïste, inconstant, menteur et volage. Il est le paradoxe même, l'ambivalence. Il est un être en devenir. Pas un homme arrêté ou figé dans une identité. Il veut tout, il veut trop, il en mourra, assassiné de la main d'une femme trahie. C'est parce que le metteur en scène connaît le futur de cet homme qu'il peut se pencher sur lui avec l'indulgence de l'aîné, amicalement, et presque tendrement. Lacascade relit Platonov en devin et nous le restitue, riche de cette distance qui lui autorise la souplesse et la désinvolture. Sur le plateau de théâtre, ce que les spectateurs verront, ce sont des hommes et femmes en construction et en évolution, saisis dans l'élan de leur vie, dans le mouvement et dans le dynamisme. Ce sont des êtres mouvants, mobiles, changeants, dont l'énergie s'alimente du désir, dont le principe de fonctionnement ne répond qu'au plaisir. La scène est grande, vaste, ambitieuse. Elle embrasse sur toute sa latitude la largeur de la Cour d'honneur. Elle est à la mesure de sa démesure. Le plateau, sobre et nu, appelle les corps des acteurs, exige d'eux des tracés sans entraves, des lignes fluides, de grandes envolées. Il est fait pour être empli, investi comme à l'abordage. Le metteur en scène déborde les marges et excède les bornes. Il connaît si bien, dans le détail, les âmes des personnages, qu'il peut désormais viser ample et donner à voir une vision d'ensemble. Nous sommes devant un paysage peuplé de portraits tchekhoviens. Ils passent et repassent devant nous, errent, se figent, repartent, marchent, courent. Le Platonov qu'a rêvé Éric Lacascade est un spectacle qui laisse se déployer la parole et vagabonder le désir, qui donne à l'émotion la permission de s'épanouir. Lacascade offre au Tchekhov des commencements, jeune homme fiévreux, une somptueuse page blanche où inscrire, en toute liberté, sa fougue et son talent.

Distribution

adaptation et mise en scène: Éric Lacascade
dramaturgie :Vladimir Petkov
collaboration artistique: Eimuntas Nekrosius
collaboration à la dramaturgie: Pascal Collin
scénographie :Philippe Marioge
costumes: Laurence Bruley
maquillage : Suzanne Pisteur
lumières :Philippe Berthomé
musiques: Alain D'Haeyer
arrangements sonores :Nicolas Girault
assistant à la mise en scène: David Bobée
avec : Jérôme Bidaux, Jean Boissery, Arnaud Chéron, Arnaud Churin,
Murielle Colvez, Alain D'Haeyer, Christophe Grégoire, Stéphane Jais,
Éric Lacascade, Marc Lador, Christelle Legroux, Daria Lippi Brusco,
Millaray Lobos, Serge Turpin

Production

Production :CDN de Normandie-Comédie de Caen
Coproduction : Festival d'Avignon, Les Gémeaux-Scène nationale de Sceaux, Théâtre d'Evreux-Scène nationale d'Evreux-Louviers
En collaboration avec : Emilia Romagna Teatro Fondazione/Modena et Santarcangelo dei Teatri
Avec le soutien :du Conseil régional de Basse-Normandie, du Conseil général du Calvados, de la Ville de Caen, du Conseil régional d'Ile-de-France
Texte publié par : l'avant-scène théâtre (n°1115, juillet 2002)

Infos pratiques