Inferno

Librement inspiré de "La Divine Comédie" de Dante

  • Théâtre
  • Spectacle
Archive 2008

Romeo Castellucci

Cesena / Création 2008

Inferno est un monument de la douleur. L'artiste doit payer. Dans la forêt obscure où il est d'emblée plongé, il doute, il a peur, il souffre. Mais de quel péché l'artiste est-il coupable ?

Inferno, Romeo Castellucci, 2008 © Christophe Raynaud de Lage

Présentation

Après avoir étudié les arts plastiques aux Beaux- Arts de Bologne, Romeo Castellucci fonde en 1981 la Socìetas Raffaello Sanzio, avec sa femme, la dramaturge Chiara Guidi, et sa soeur, l'écrivain Claudia Castellucci. Ils sont installés à Cesena, dans le Teatro Comandini, une ancienne ferronnerie, espace propice aux expériences de plateau, dans la région italienne d'Émilie Romagne. C'est là que Romeo Castellucci a développé un art original de la scène, réunissant toutes les expressions artistiques (théâtre, musique, peinture, opéra, mais aussi la mécanique ou la fabrique d'images), visant à toucher les sens du spectateur. L'artisanat de la scène et ses métiers, comme les nouvelles technologies et leurs ressorts les plus sophistiqués, sont mobilisés dans la conception minutieuse des différents spectacles, à la fois très frontaux et très élaborés. À chaque reprise, il s'agit de forger une “langue du plateau” dont la vérité se révèle à travers une énergie des corps, par la présence vitale et concrète des matières, du mouvement, de la chair, des éléments sonores et visuels, mis en scène afin de produire du sens dans le regard du spectateur. Dans ses créations, il travaille souvent avec des enfants et réalise également des spectacles pour eux comme Hansel et Gretel ou Buchettino (Le Petit Poucet). Depuis le milieu des années 1990, les spectacles de la Socìetas connaissent une notoriété croissante, notamment Hamlet ou La Véhémente Extériorité de la mort d'un mollusque, Masoch et Orestea, une “comédie organique” créée à partir de L'Orestie. Ses représentations divisent parfois le public, mais s'imposent comme une expérience qui reste gravée dans la mémoire sensorielle de chacun. Romeo Castellucci accepte cette perception contradictoire, et n'hésite pas à aller à la rencontre du public. Il pratique le dialogue, il aime s'expliquer, et le Festival d'Avignon lui en donne de multiples occasions. C'est en 1998 que Romeo Castellucci y montre un premier spectacle, Giulio Cesare d'après Shakespeare. Il revient en 1999 avec Voyage au bout de la nuit de Céline, qui s'impose comme l'un des événements phares du Festival dans la cour du lycée Saint-Joseph, puis en 2000 avec Genesi. En 2001, Romeo Castellucci et la Socìetas Raffaello Sanzio lancent le vaste cycle de la Tragedia endogonidia, un système de représentations qui, tel un organisme vivant, se transforme dans le temps et dans l'espace en fonction du parcours qu'il effectue d'une création à l'autre à travers les villes européennes, partant de Cesena pour y retourner, en passant par Berlin, Bruxelles, Bergen, Paris, Rome, Strasbourg, Londres, Marseille et Avignon. Le thème commun à ces onze épisodes, étalés sur quatre années et un continent, est un lyrisme de la souffrance, d'où se dégage une énergie vitale des corps que le spectateur perçoit à travers une certaine violence, mais aussi par l'expérience des mouvements, des rythmes, des couleurs, des sons de notre monde contemporain. En 2002, Castellucci crée au Festival l'épisode A.#02 Avignon de la Tragedia endogonidia, aux côtés d'une exposition de certaines de ses machines esthétiques et biologiques à la Chapelle Saint-Charles, dont un grand “bélier” que l'on retrouvera sur l'affiche du Festival qu'il signe. Puis il reprend B.#03 Berlin et BR.#04 Bruxelles en 2005 et crée les Crescite XII et XIII Avignon. L'an dernier, il a présenté Hey girl ! à l'Église des Célestins. Cette année, Romeo Castellucci propose trois spectacles inspirés par La Divine Comédie de Dante.

La Divina Commedia
Si La Divine Comédie est un texte qui accompagne Romeo Castellucci depuis son adolescence, il n'en propose pas une “adaptation” littérale. Son travail est inspiré par ce texte, comme il l'écrit dans ses notes de travail : “Lire, relire, dilater, marteler et étudier à fond La Divine Comédie pour pouvoir l'oublier. L'absorber à travers l'épiderme. La laisser sécher sur moi comme une chemise mouillée”. Mais il vise surtout à “devenir” Dante : “Dans ce sens, être Dante. Adopter son comportement comme au début d'un voyage vers l'inconnu.” La Divine Comédie est un poème sacré du poète florentin Dante Alighieri (1265-1321), comprenant trois parties, Inferno (L'Enfer), Purgatorio (Le Purgatoire) et Paradiso (Le Paradis), composées chacune de trente-trois chants, auxquels il faut ajouter un chant d'introduction. L'ensemble représente une somme de cent chants et de près de 15000 vers, écrite entre 1307 et 1319, quand, au soir de sa vie, Dante achève son œuvre, à la fois soulagé et mélancolique. La composition de La Divine Comédie est contemporaine à l'installation de la papauté à Avignon et donc à la construction du premier Palais des papes. Pour la culture occidentale, La Divine Comédie est davantage qu'un monument littéraire, c'est une référence. Même pour ceux qui ne l'ont jamais lu, ce texte fait sens et s'apparente à un pays mythique, dont on visite les enfers en redoutant ses peines, dont on parcourt le paradis en espérant ses joies. Nombre d'écrivains et d'artistes ont été fascinés par ce texte, ses images, ses visions, ses hallucinations, l'étendue de ses registres (amoureux, mystique, savant, allégorique, politique, poétique…), et beaucoup ont voulu le traduire pour mieux assimiler ses trésors (Dumas, Stendhal, Baudelaire, Nerval, Lautréamont, pour ne citer qu'eux). Romeo Castellucci, quant à lui, cherche à “précipiter La Divine Comédie sur la terre d'une scène de théâtre”. Il offre au spectateur, en trois étapes et trois lieux du Festival, une traversée, l'expérience d'une Divine Comédie.

Inferno est un monument de la douleur. L'artiste doit payer. Dans la forêt obscure où il est d'emblée plongé, il doute, il a peur, il souffre. Mais de quel péché l'artiste est-il coupable ? S'il est ainsi perdu, c'est qu'il ne connaît pas la réponse à cette question. Seul sur le grand plateau du théâtre, ou au contraire muré dans la foule et confronté à la rumeur du monde, l'homme que met en scène Romeo Castellucci subit de plein fouet cette expérience de la perte de soi, désemparé. Tout ici l'agresse, la violence des images, la chute de son propre corps dans la matière, les animaux et les spectres. La dynamique visuelle de ce spectacle a la consistance de cette hébétude, parfois de cet effroi, qui saisit l'homme quand il est réduit à sa petitesse, démuni face aux éléments qui l'accablent. Mais cette fragilité est une ressource, cependant, car elle est la condition d'une douceur paradoxale. Romeo Castellucci montre à chaque spectateur qu'au fond de ses propres peurs, il existe un espace secret, empreint de mélancolie, où il s'accroche à la vie, à “l'incroyable nostalgie de sa propre vie”. Cet Inferno est aussi la première rencontre entre Romeo Castellucci et la Cour d'honneur du Palais des papes. L'artiste y a rêvé, lui qui écrivait de ce lieu il y a déjà trois ans : “Nous voulons imaginer une succession d'événements, une occupation de l'espace, qui seraient capables de rencontrer cette architecture, non comme décor de théâtre mais comme “reste”, comme passé réclamant d'être repris et ressuscité, comme l'accomplissement de ce qui est resté inachevé, insensé, avorté”. Voici enfin Romeo Castellucci face à l'impossible désiré et redouté. Mis au défi.

Distribution

Mise en scène, scénographie, lumières et costumes Romeo Castellucci
Musique originale et exécution en direct Scott Gibbons
Chorégraphie Cindy Van Acker, Romeo Castellucci
Collaboration à la scénographie Giacomo Strada
Sculptures en scène Istvan Zimmermann, Giovanna Amoroso
Automates Giuseppe Contini
Réalisation des costumes Gabriella Battistini

Avec Alessandro Cafiso, Maria Luisa Cantarelli, Silvia Costa, Sara Dal Corso, Antoine Le Ménestrel, Manola Maiani, Luca Nava, Gianni Plazzi, Stefano Questorio, Jeff Stein, Silvano Voltolina

Production Gilda Biasini, Benedetta Briglia, Cosetta Nicolini

Production

Production de la Trilogie Socìetas Raffaello Sanzio, Festival d'Avignon, Le Maillon-Théâtre de Strasbourg, Théâtre Auditorium de Poitiers - Scène nationale, Opéra de Dijon, barbicanbite09 (Londres)
Dans le cadre: du Spill Festival 2009, de Singel (Anvers), Kunstenfestivaldesarts /La Monnaie (Bruxelles), Festival d'Athènes, UCLA Live (Los Angeles), Napoli Teatro Festival Italia, Emilia Romagna Teatro Fondazione (Modène), La Bâtie-Festival de Genève, Nam June Paik Art Center /Gyeonggi-do (Corée), Vilnius Capitale européenne de la Culture 09, “Sirenos”–Festival international de théâtre de Vilnius, Cankarjev dom (Ljubljana), F/T 09 –Tokyo International Arts Festival
Avec le soutien du ministère italien du Patrimoine et des Activités culturelles, de la Région Émilie-Romagne et de la Ville de Cesena avec l'aide du programme Culture (2007-2013) de l'Union européenne
Remerciements à Comune di Senigallia-Assessorato alla Cultura / AMAT

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